Phyto-œstrogènes et cancer du sein – soja et graines de lin
Mes clientes ayant un diagnostic de cancer du sein se sentent souvent perdues ou dépassées par rapport à l’alimentation, aux phyto-œstrogènes (graines de lin, soja)… Manger ou non du soja ou des graines de lin a-t-il un impact sur les cancers hormonodépendants? Certaines lectures disent que oui, d’autres le contraire…
Plusieurs études scientifiques en font état dans un excellent livre sur le sujet : Herbal Medicine in Treating Gynaecological Conditions de Hananja Brice-Ystma et Adrian McDermott, paru en 2020. Les auteurs nous donnent un peu plus l’heure juste sur ces aliments.
Est-ce que consommer des phyto-œstrogènes (soja, graines de lin) est sécuritaire lorsque l’on a reçu un diagnostic de cancer du sein hormonodépendant? Comment savoir sous quelle forme et combien de portions en manger? Bien des questions auxquelles je tenterai de répondre dans cet article, en m’inspirant grandement du livre de Mme Brice-Ytsma, en attendant sa traduction…
Consommation de graines de lin en lien avec le cancer du sein
Graines de lin – un peu d’histoire
Comme son nom latin l’indique – Linum usitatissimum – le lin est une plante extrêmement utile et cultivée depuis les débuts de l’histoire écrite. On utilise ses fibres pour créer des textiles résistants, ses graines comme aliment pour l’humain et les animaux. De ses graines, on extrait l’huile de lin, riche en omega-3.
Depuis les débuts de l’herboristerie occidentale, on utilise les graines pour leurs propriétés médicinales. Hippocrate les recommandait pour des problèmes abdominaux. Hildegarde Von Bingen les suggérait en cataplasme en externe pour différents types d’inflammation.
Les graines de lin combinent trois propriétés médicinales importantes :
- Elles contiennent des mucilages. Ces fibres solubles aident à stabiliser la glycémie. Elles ralentissent l’absorption des glucides, diminuent le cholestérol en permettant une meilleure élimination. Les mucilages sont aussi utiles pour aider à réparer la muqueuse intestinale et soutenir la santé de la flore bactérienne,
- Elles renferment un équilibre intéressant d’acides gras essentiels,
- Elles possèdent des lignanes. Lorsque absorbés dans le sang, les lignanes peuvent se lier aux sites récepteurs à l’oestrogène et en moduler les effets. Par contre, ces lignanes doivent être transformées au préalable par la flore bactérienne. Leur effet dépend donc de la santé de notre microbiote.
La combinaison de ces trois caractéristiques peut aider à diminuer les problèmes cardiovasculaires, l’inflammation chronique et les risques de plusieurs cancers.
Action hormonale des lignanes des graines de lin
Plusieurs études scientifiques démontrent l’intérêt de consommer des graines de lin pour leur effet protecteur en lien avec le cancer du sein et les cancers hormonodépendants. L’une des actions recherchée est leur effet sur la synthèse de SHBG (Sex Hormone Binding Globulin), une protéine qui se lie aux hormones en circulation et les rends ainsi non disponibles pour les sites récepteurs hormonaux. Des études vont même jusqu’à démontrer qu’une consommation régulière de graines de lin dans l’alimentation diminue les risques de développer un cancer du sein ou de la prostate, ou un autre cancer hormonodépendant.
Par ailleurs, certaines études démontrent les effets de la consommation alimentaire des graines de lin sur les symptômes de ménopause – comme les bouffées de chaleur. Une autre étude, où des femmes consommaient tous les jours pendant trois mois, un muffin contenant 25 g de graines de lin, a démontré une diminution dans les symptômes de douleurs aux seins avant les menstruations (mastalgie).
Graines de lin : activité anti-tumorale et cancer du sein
Plusieurs études épidémiologiques tendent à démontrer que les femmes végétariennes seraient moins sujettes à développer un cancer du sein. Cela pourrait être lié aux taux de lignanes plus élevés dans leur sang.
Également, il a été démontré que la consommation de graines de lin contribuait à diminuer les taux d’insuline et de facteur de croissance à l’insuline (IGF) dans le sang. Des niveaux élevés d’insuline et d’IGF contribuent au développement de nombreux cancers. Ceux-ci stimulent la prolifération cellulaire et pourraient protéger les cellules ayant des bris d’ADN.
Il semblerait que l’effet serait surtout présent chez les femmes ménopausées et diminuerait tous les risques de mortalité sans diminuer l’effet du Tamoxifen. Les marqueurs de cancer seraient également réduits, surtout chez les femmes nouvellement diagnostiquées.
Consommer des graines de lin pendant des traitements pour le cancer du sein?
Des études in vivo démontrent qu’une quantité équivalente à 10 % de l’alimentation quotidienne, ou l’équivalent en lignanes, ne semble pas interférer avec un traitement au Tamoxifen. Au contraire, il pourrait même en augmenter l’efficacité.
Autres bénéfices santé de la consommation de graines de lin
La consommation de ces graines aiderait à diminuer les risques de cancer de la prostate, ainsi que des cancer colorectaux. De plus, les fibres solubles et les omega-3 des graines de lin aident à stabiliser la glycémie et diminuent les risques de développer un diabète type II. Ces fibres et acides gras essentiels sont aussi très utiles pour diminuer les taux de cholestérol, l’agrégation plaquettaire et les risques de maladies cardiovasculaires. Il n’y a donc plus de raisons d’hésiter à en consommer!
Comment utiliser les graines de lin avec un diagnostic de cancer du sein hormono dépendant?
L’effet bénéfique des graines de lien serait dépendant de la quantité consommée. On suggère deux cuillères à soupe, ou 30 ml, de graines fraichement moulues par jour. Il est également important de boire une bonne quantité d’eau (1-2 litres par jour) pour éviter tout risque de constipation.
Comme toujours, il est préférable de commencer par de petites quantités. On observe ensuite comment la digestion et le corps réagissent, et on augmente graduellement la dose quotidienne.
Pour que les graines de lin conservent tous leurs bienfaits, je suggère toujours à mes clients de moudre les graines juste avant de les consommer. On peut en moudre une petite quantité pour quelques jours et conserver ces graines moulues au congélateur. On peut ensuite en ajouter dans un gruau, un smoothie, une salade, une soupe, un sandwich et partout!
Quelques recettes à base de graines de lin
Voici des idées de recettes pour intégrer les graines de lin au quotidien :
Consommation du soja en lien avec le cancer du sein
Cette légumineuse fait partie de l’alimentation en Asie depuis près de 5000 ans et fournit 20-60 % des protéines quotidiennes. Elle a été ajoutée au menu occidental au 18ème siècle, mais ce n’est que récemment que sa consommation est devenue plus courante.
Quelques mythes sur le soja et son action sur l’équilibre hormonal
Dans les dernières années, on a souvent lu que le soja n’offrait un effet protecteur pour les cancers hormonodépendants que chez les femmes asiatiques. Cette affirmation est partiellement vraie. La consommation de soja est aussi intéressante pour les femmes occidentales. Toutefois, l’effet protecteur semble quand même être plus efficace s’il a été consommé régulièrement et ce avant la puberté. Lorsqu’il est intégré à l’alimentation à l’âge adulte, il peut quand même diminuer les risques de récidive. Comme les graines de lin, le soja peut augmenter l’efficacité de traitements comme le Tamoxifen.
Le soja soutient également la santé du microbiote et une bonne élimination des selles – deux facteurs importants pour l’équilibre hormonal.
Un autre mythe : seuls les produits de soja fermentés (miso, tempeh ou tamari) peuvent être bien assimilés pour leur effet protecteur. Les données semblent contradictoires à ce sujet. Il est probable que l’assimilation de tous les aliments dépende du microbiote et non pas de la fermentation dans la fabrication.
D’autres mythes perdurent également, comme d’affirmer que la consommation de soja après la ménopause pourrait avoir des effets négatifs sur les tissus hormonodépendants. Comme pour bien d’autres aliments, les recherches portant sur des constituants isolés ne peuvent être rapportées à ce qui se passe dans la réalité lorsque nous mangeons l’aliment entier…
Phyto oestrogènes dans le soja?
Les constituants étant étudiés pour l’action sur l’équilibre hormonal sont les isoflavones présent dans le soja : génistéine, daidzéine et glyciteine. Par contre, dans l’aliment, ils se retrouvent sous forme de glycosides. Ceux-ci doivent être transformés lors de la fermentation au niveau de l’intestin et grâce à notre microbiote.
Les transformations alimentaires du soja diminuent de beaucoup la teneur en isoflavone de l’aliment final. Parmi ces transformations : la fabrication de tofu ou d’isolat de protéine de soja.
Une fois assimilé, les isoflavones du soja peuvent alors se fixer aux sites récepteurs à l’œstrogène.
Soja et cancer du sein – protection?
En plus de son action protectrice au niveau hormonal, le soja peut aider à inhiber la progression des tumeurs. Il agit sur l’angiogénèse et la réplication cellulaire grâce à ses effets antioxydants.
Des études démontrent également qu’une consommation importante, même seulement à l’âge adulte, aurait un effet protecteur contre le cancer du sein. De plus, les cellules épithéliales du sein seraient plus différenciées – un marqueur important dans le risque de cancer du sein.
Des études sur le long terme semblent démontrer que la consommation de soja n’affecte pas la densité des tissus mammaires chez les femmes avant la ménopause. Par ailleurs, il contribuerait à diminuer ce facteur après la ménopause.
Soja et traitements conventionnels pour le cancer du sein
Il a été démontré que la consommation de soja pendant des traitements avec le Tamoxifen était sécuritaire et pouvait même augmenter les effets du médicament. Certaines études vont même jusqu’à démontrer que les effets du Tamoxifen pourraient être doublés grâce à la consommation de soja.
Le soja contribue à diminuer l’œstrogène en circulation de deux manières :
- en inhibant certains enzymes impliqués dans la fabrication d’œstrogène,
- en stimulant la production de SHBG – diminuant ainsi la quantité d’œstrogène disponible pour les tissus.
Une méta-analyse incluant 11000 femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein confirme que la consommation de soja diminue les risques de récidive, et ce de façon similaire chez les femmes d’origine asiatique ou non.
Le soja – son utilité pour d’autres cancers?
Dans le cancer de l’endomètre, une méta-analyse démontre que la consommation de soja diminue les risques de développer un cancer; et ce autant chez les femmes d’origine asiatique que chez les autres.
Des études effectuées auprès d’hommes asiatiques tendent à démontrer que la consommation de soja diminuerait jusqu’à 50 % les risques de développer un cancer de la prostate.
Une consommation de tofu importante est associée à un meilleur pronostic chez les personnes atteintes de cancer de l’estomac.
Comment consommer le soja dans le contexte d’un diagnostic de cancer du sein hormono dépendant?
Pour profiter des effets du soja, les recherches confirment qu’il est nécessaire de consommer de deux à quatre portions par jour de cet aliment, pour un total de 15-60 mg par jour d’isoflavones.
On peut ajouter du tofu ou du tempeh (soja fermenté) à une salade, un potage au moment de servir, un riz aux légumes. Le miso, une pâte à tartinée issue de la fermentation du soja est très gouteuse. Elle peut simplement être diluée dans un peu d’eau bouillante et bue comme un bouillon. On peut aussi l’ajouter à un potage ou l’utiliser comme tartinade dans un sandwiche par exemple.
Recettes à base de tofu
Voici quelques exemples de recette à base de tofu :
Par contre, l’utilisation d’extraits standardisés d’isoflavones est beaucoup plus douteuse et les résultats des études sont contradictoires quand à l’effet. Dans certains cas, cette prise sous forme de supplémentation pourrait avoir des effets négatifs.
En conclusion, les phyto-œstrogènes (soja, graines de lin) sont sécuritaires pour le cancer du sein. Ils peuvent même offrir une certaine protection.
En bref, le soja et les graines de lin sont une bonne source de fibres alimentaires. De plus, ils constituent un aliment prébiotique intéressant pour un microbiote en santé. Notre flore bactérienne est essentielle pour bien assimiler les isoflavones du soja, d’autres légumineuses ainsi que les lignanes des graines de lin.
Les isoflavones contenus dans le soja peuvent avoir une action anti-inflammatoire et régulatrice hormonale. Ainsi, les phyto-œstrogènes (soja, graines de lin) peuvent être utilisés pour diminuer les bouffées de chaleur à la ménopause, mais pourraient également aider à prévenir plusieurs cancers hormonodépendants, dont le cancer du sein.